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L'Anarque. Mes notes de lecture.

L'Anarque

Mars 2016-Pensées-Blaise Pascal.

Mars 2016-Pensées-Blaise Pascal.

L’oeuvre de Pascal ne suscite peut être pas aujourd’hui autant d’intérêt que celle d’autres penseurs plus modernes qui traitent de sujets plus contemporains. C’est un peu par hasard que j’ai commencé à lire Les Pensées. Les questions qui y sont abordées sont souvent intemporelles notamment parce qu’elles répondent à des interrogations voir des angoisses qui sont consubstantielles à l’humanité. C’est en cela qu’elles sont de notre temps et qu’elles se lisent sans difficulté dans un français du XVII° siècle qui reste très abordable.

Les pensées sont des notes de l’auteur rassemblées par ses héritiers après sa mort. Elles sont écrites sous forme d’aphorisme ce qui accroit leur force. Enfin elles émanent d’un homme malade qui mourra jeune et cela donne peut être plus de profondeur à ses réflexions car comme le disait Nietzsche qui en savait quelque chose: « La maladie rend plus profond, elle efface les frontières du corps et de l’esprit, elle ouvre des chemins vers des espaces insoupçonnés où règne la paix des profondeurs ».

L’intention du philosophe étant de composer une apologie du christianisme, il est bien entendu quand même beaucoup question de Dieu dans les Pensées. Il y démontre avec enthousiasme la prédominance du christianisme sur les autres religions notamment sur l’Islam et dans quelques lignes que l’on n’oserait peut être pas écrire aujourd’hui affirme la supériorité du Christ sur le prophète. Pour Pascal, l’Homme ne devrait d’ailleurs se préoccuper que de ces questions: « La question de l’éternité et de l’existence de Dieu doit être notre seule préoccupation. » Il éprouve du mépris pour ceux qui ne s’en soucient pas: « Ce repos dans cette ignorance est une chose monstrueuse.. ». Mais ce n’est pas si simple. La révélation est un don de Dieu car la foi ne peut se fonder sur la seule raison. Et il y a peut être là une certaine contradiction avec le ton très « raisonnable » que prend Pascal pour essayer de démontrer l’existence de Dieu. Selon lui, l’Homme a en effet tout intérêt à croire en Dieu. C’est là le fameux pari : « Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas: si vous gagnez, vous gagnez tout et si vous perdez, vous perdez rien; gagnez donc ce qu’il est sans hésiter. » C’est imparable mais ce calcul un peu misérable peut sembler loin de la révélation, celle qui le frappera et le fera pleurer de joie lors de son expérience mystique dans la nuit du 23 novembre 1654: « Joie, joie, joie, pleurs de joie. »

Mais ce ne sont pas seulement ces considérations purement religieuses qui je le crois participent à l’intérêt et à la profondeur de l’oeuvre. Sa vision de la condition humaine n’est pas vraiment optimiste mais peut sonner si juste. L’homme est égaré dans ce recoin de l’univers sans aucune raison. Il a été projeté sur terre où il est un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes.Il est misérable et il le sait. Que d’angoisse dans cette superbe phrase: « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ». Mais l’Homme pense et c’est là toute sa dignité, sa supériorité sur cet univers qui l’environne. C’est dans les Pensées que Pascal écrit ces lignes fameuses et magnifiques: « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers…etc » Cette éloge de la pensée devrait être proclamée aujourd’hui plus que jamais dans nos sociétés matérialistes ou penser peut être souvent secondaire. Penser doit d’ailleurs s’entendre au sens large. La pensée inclut le rêve, le fantasme, la folie, car l’Homme n’est pas qu’un objet économique ou social dans l’Histoire. Mais l’Homme en pensant s’ennuie.

Les développements sur l’Ennui sont peut être ce qu’il y a de plus intéressants dans l’ouvrage. L’ennui est pour l’Homme dans l’état propre de sa complexion nous dit Pascal. En d’autres termes, il est consubstantiel à la nature humaine. Ne rien faire lui est insupportable. « Il sent son néant, son abandon, son insuffisance , sa dépendance, son vide. » Et cela provoque chez lui l’Ennui. Le seul remède contre l’ennui c’est le divertissement. Le divertissement c’est la moindre chose, comme un billard et une balle mais c’est beaucoup plus, ce sont les affaires de chacun, l’exercice, les amis…Cette définition du divertissement est très large car elle va semble -t- il plus loin que les seules activités ludiques. C’est peut être là que l’analyse a ses limites car l’Homme ne peut demeurer inactif ou alors rien ne marche plus! Pascal ne conseille d’ailleurs pas de fuir le divertissement, il constate sa nécessité. Mais l’explication de l’ennui par la conscience de la condition humaine et le besoin constant d’activité expliquent certainement de nombreux comportements humains. Les conclusions de Pascal sont religieuses mais cette analyse pourrait probablement servir de base à la compréhension de pathologies et a été reprise en d’autres termes par Freud et la psychanalyse notamment.

Les Pensées pourraient être un livre de chevet pour le lecteur religieux comme pour le lecteur profane. Elles constituent aussi une oeuvre littéraire par la qualité de l’écriture et son aspect poétique incontestable. Certains passages sont magnifiques et méritent d’être lus à haute voix. La forme aphoristique est séduisante lorsqu’elle est aussi brillante et aborde des thèmes d’une profondeur insondable. On l’avait déjà noté dans le Gai Savoir de Nietzsche que certains ont qualifié de « frère ennemi « de Pascal. Mais ceci est une autre histoire…

Renvoi: Les remarquables chapitres sur Pascal dans « Les philosophes de l’antiquité au XX° siècle »sous la direction de Maurice Merleau Ponty. « Mes philosophes » par Edgar Morin. Aussi: « Un Roi sans divertissement « de Jean Giono.

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