Décembre 2015-Panorama des idées philosophiques. De Platon aux contemporains.-Jacqueline RUSS

Selon Platon, les Idées forment le noyau même de la pensée. Auguste Comte écrivait qu’elles gouvernent le monde. Thibaudet disait que que la politique, ce sont des idées. L’étude de l’histoire des idées permet donc de comprendre le monde. C’est ce que propose le livre de Jacqueline Russ qui résume l’histoire de la pensée en 274 pages ce qui peut paraître court à l’aune de l’importance du sujet.

L’auteur traite très succinctement (trop succinctement?) la pensée orientale pour aborder d’emblée la pensée grecque. Elle sait nous montrer que c’est là que pour nous européens, tout a commencé, puisque cette pensée constitue le fondement de la philosophie occidentale influençant même le christianisme. En effet, les pères de l’Eglise étaient profondément imprégnés de pensée néo-platonicienne.

Ce qui est particulièrement intéressant et ce que fait très bien ressortir l’ouvrage de Jacqueline Russ, ce sont les liens de filiation entre les philosophes au fil du temps, parfois à plusieurs siècles d’intervalle, ce qui pourrait laisser penser qu’il y a un esprit, un logiciel humain, un grand tout diraient les stoïciens dont il est difficile de sortir mais qui existe bel et bien.

Thomas d’Aquin qui pense le dogme chrétien,réconcilie la foi et l’intelligence (thème au combien actuel !) et se réfère à la tradition platonicienne et à Aristote. A cet égard, et c’est peut être assez inhabituel de le lire, la période médiévale (du V°siècle au XV° siècle) n’est pas selon l’auteur l’interminable parenthèse que certains ont décrite, un temps mort de la recherche. Même si la pensée de cette époque est (n’est que) religieuse, il n’y a pas véritablement de rupture entre la philosophie grecque et l’Europe chrétienne. Les pères de l’Eglise se sont servis de la pensée antique pour formuler la doctrine chrétienne qui est issue d’une spéculation sur les sources scripturaires.

Les références que fait Montaigne à la philosophie sceptique du grec Pyrhon d’Elis (356-275 av.JC) et surtout au stoïcisme de Sénèque le romain (4 av JC-65 ap. JC).

Descartes (1596-1650) qui voit l’Homme dominer la nature est à l’origine de la pensée des Lumières et à la source du développement de la science et de la technique aux XIX° et XX° siècles.

Pascal ne distingue en l’Homme que vacuité, refuse la primauté de la raison, annonce les philosophes de l’existence et précède Kierkegaard.

Rousseau qui par sa méfiance à l’égard de l’idée d’un triomphe de la raison, préfigure la protestation des romantiques contre les Lumières.

La philosophie de l’existence professée par Schopenhauer (1788-1860) préfigure celle qui se développera au XX° siècle. La souffrance radicale inhérente à l’existence que provoque le vouloir vivre est perpétuelle, dénuée de finalité, absurde, thèse que que reprendra Albert Camus. L’Homme ne pouvant se satisfaire s’ennuie, ce que Pascal avait déjà analysé comme une expérience métaphysique où il décèle sa vacuité. Entre la souffrance du désir et celle de l’ennui, la vie est absurde comme l’écrivait Rimbaud (Une saison en enfer). Schopenhauer a également marqué Wagner, Maupassant, Tolstoï, Kafka, Proust et d’autres.

En montrant que l’individu a à se faire, à devenir lui même, Kierkegaard (1813-1855) se révèle comme le fondateur de l’existentialisme du X° siècle (Sartre s’en est inspiré).

Nietzsche (1844-1900) prophète du XX° siècle n’inspira -t-il pas Heidegger, Georges Bataille, Gilles Deleuze et Michel Foucault ?

L’ouvrage de Jacqueline Russ fait ainsi voyager dans l’histoire de la pensée, voyage ininterrompu hors du temps et de l’histoire ce qui le rend si fascinant.

Renvoi: Maurice MERLEAU-PONTY: Les Philosophes de l’Antiquité au XX°siècle- Christian RUBY: Histoire de la philosophie-Edgar MORIN: Mes philosophes.